Trois trésors Malgaches. |
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Dans mon précédent articles, paru dans Xénophora n°92, je m'étonnais qu'il reste à découvrir , aujourd'hui encore, des espèces de coquillages, et ce, dans des familles très prisées des collectionneurs et dans des régions du monde déja prospectées. | ||
Les raisons de leur " oubli " sont nombreuses. Tout d'abord, il peut y avoir des confusions avec d'autres mollusques bien connus : pour mémoire, rappelons-nous du cas complexe " Strombus canarium ". Ensuite, les difficultés voire l'impossibilité d'accès dans certaines zones où vivent ces mollusques, que ce soit pour des raisons purement géographiques ou encore politiques, peuvent jouer un rôle important. Enfin, l'insuffisance ou l'inexistence des infrastructures d'acceuil n'attirent ni le touriste ni l'amateur dans les espaces naturels, laissant les populations de mollusques endémiques de ces régons trop longtemps ignorées. | ||
Ainsi, depuis quelques années, le sud de Madagascar nous a livré quelques trésors. Aprés des cônes et des volutes, voici trois nouvelles porcelaines récemment découvertes et décrites ou co-décrites par Félix Lorenz. | ||
Au moment, où ces nouvelles espèces deviennent accessibles sur le marché de la collection, c'est un plaisir non dissimulé de vous les présenter. | ||
Palmadusta androyensis Blöcher & Lorenz, 1999
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La coquille est de petite taille à l'âge adulte : environ 15 mm de longueur et 11 mm de largeur. Elle est de forme ovale-pyriforme. La base est opaque (on ne voit pas les bandes embryonnaires) et fortement calleuse, les marges remontent assez haut sur le dos de la coquille. La spire est recouverte par un cal à l'âge adulte. Les dents sont au nombre d'une quinzaine , aussi bien du côté du labre que de la columelle. La fossula est nette mais peu creusée, avec un nombre restreint de denticules (quatre à cinq) parfois à peine apparents. Les extrémités sont calleuses et courtes. |
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Chez les individus récoltés morts et roulés, qui constituent la quasi-totalité des coquillages connus et disponibles, la coloration du dos est d'un gris métallique trés foncé. Deux bandes plus claires et très étroites traversent le dos. Elles peuvent être continues ou avec un dessin en zigzags ou en chevrons. Le dessus des extrémités porte quatre tâches brun foncé. |
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J'ai
pu, récemment, examiner un exemplaire contenant les restes de l'animal
desséché, et donc probablement récolté vivant.
Les différences de brillance et de couleur par rapport aux exemplaires
que j'avais vus auparavant sont frappantes. La couleur du dos apparaît
d'une belle teinte chocolat avec des lignes
de stress ou de croissance plus claires. Les deux bandes caractéristiques
de chevrons ou de zigzags blancs sont présentes. Les marges sont
blanches et ponctuées de noir. Malheureusement, je ne peux vous
la présenter en photo, n'ayant pu l'acquérir car hors de
mes moyens !
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L'
aire de
répartition de l'espèce
s'étend sur l'extrémité méridionale de Madagascar.
Elle a été récoltée entre les embouchures
des rivières Mandrare et Manambovo situées au sud-est de
l'île, et au sud de Beheloka situé au sud-ouest.
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Le milieu de vie de l'espèce doit être proche de la côte, mais d'un accès difficile. La plupart des coquilles connues sont roulées et érodées. Les nombreux spécimens proposés à la vente ont été repolis pour leur rendre leur brillant. Le dessin adulte n'est pas toujours très apparent sur le dos.
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D'un point de vue strictement conchyliologique l'appartenance au genre Palmadusta ne fait guère de doute. Un classement au sein du genre Bistolida est à exclure du fait que les dents sont courtes sur toute la longueur de l'ouverture. La petite taille de cette espèce pourrait faire penser à Purpuradusta mais les membres de ce dernier genre ont les extrémités teintées de pourpre ou de rose qui colorent aussi la base.
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L'espèce
la plus proche est sans conteste Palmadusta
diluculum (Reeve, 1845). En effet,
la couleur du dos peut être presque aussi sombre avec la présence
de deux bandes claires et les extrémités sont tachées.
Cependant tous les spécimens que j'ai observés présentent
une base moins calleuse que Palmadusta androyensis, et le dessin
du dos est trés souvent visible sur la base par transparence. Par
ailleurs les marges sont uniformément blanches. Le dessin du dos,
en chevrons ou en zigzags, est toujours très net. (voir comparatif
n°1, n°2
et n°3)
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Avec les coquilles de Palmadusta androyensis, des exemplaires d'une espèce trés semblable ont été collectés. Leur nombre est beaucoup plus restreint que ceux de l'espèce décrite ci-dessus.
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Palmadusta consanguinea Blöcher & Lorenz, 1999
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La coquille est de petite taille à l'âge adulte : entre 15 et 18 mm de longueur et 9,5 à 12,5 mm de largeur. Elle est de forme ovale-pyriforme. La base fortement calleuse est opaque (on ne voit pas les bandes embryonnaires), et les marges remontent modérément sur le dos de la coquille. La spire est partiellement recouverte par un cal à l'âge adulte. Les dents sont courtes aussi bien du côté du labre que de celui de la columelle. Elles sont au nombre de dix-sept ou dix-huit sur le labre et treize à quatorze seulement sur la columelle. La fossula est nette, mais peu creusée, avec un nombre restreint de denticules (deux ou trois). Les extrémités sont calleuses et courtes. |
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La coloration du dos est d'un orange soutenu traversé par trois bandes plus sombres. Les deux bandes extérieures sont brun foncé intérrompues par des taches blanches. La bande centrale est plus étroite et ne posséde pas de taches blanches. Les marges sont brun pâle et ponctuées de noir. Les points s'étendent sur la base. Les dents ne sont pas teintées. |
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La coloration du dos sépare ces deux espèces endémiques de Madagascar. Toutefois, la différenciation (n°1, n°2) ne se fait pas seulement par la couleur de la coquille mais aussi par la structure du dessin, et en particulier par le nombre de bandes : deux chez Palmadusta androyensis et trois chez Palmadusta consanguinea. Le nombre de dents sépare également les deux espèces. Le fait qu'elles vivent dans la même région, sans que des intermédiaires aient pu être observés, confirme leur séparation au plan spécifique. | ||
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L'espèce
qui semble la plus proche est Palmadusta
ziczac. En effet, ces deux espèces
se rapprochent par la présence, sur leur dos de teinte beige à
brun orangé, de trois bandes formées de tâches oranges
séparées par des tâches blanches. Mais, elles se différencient
nettement par la couleur de leur base : orange chez Palmadusta ziczac,
et blanche chez Palmadusta consanguinea. Il y a aussi, chez la
première, à chacune des extrémités, une ligne
de points brun sombre régulièrement espacés. Ce caractère
est totalement absent chez l'espèce endémique de Madagascar.
(voir comparatif n°1
et n°2)
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La troisième espèce nouvellement décrite est sans doute la plus spectaculaire. Elle appartient à l'un des groupes favoris des collectionneurs :
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Cribrarula pelliserpentis Lorenz, 1999
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La coquille mesure entre 20 et 26 mm de longueur pour une largeur qui varie de 14 à 16,5 mm. Elle a une forme globuleuse et ovale. Les marges sont calleuses sur les deux côtés. Les extrémités sont légèrement rostrées. Les dents labiales sont grossières et s'étendent jusqu'au milieu de la base. Les dents columellaires sont trés courtes et confinées à l'ouverture, peu distinctes au centre de celle-ci. La fossula, légèrement projetée, présente cinq denticules. |
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La couleur de fond du dos est pâle et va de l'olivâtre au rosé. Comme chez toutes les Cribrarula , le dessin adulte est constitué d'une surface marron constellée d'un réseau d'ocelles qui se recouvrent largement. Il est comparable a celui de Cribrarula cribraria forma melwardi. Les deux marges sont blanches et densément couvertes de tâches brun foncé. |
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Plusieurs individus vivants ont été récoltés, l'animal est brun rouge. |
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L'espèce vit dans une région qui s'étend du sud de Tuléar à Fort Dauphin, et semble habiter un milieu de récifs avec des crevasses profondes. L'exemplaire illustré faisait partie d'un lot d'erosaria citrina et contenait encore l'animal en cours de décomposition. |
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Cette
espèce est rare, cependant il semble qu'elle ait été
confondue dans le passé avec Cribrarula
esontropia (Duclos, 1833). Cette
dernière espèce est de taille comparable et possède
des ponctuations sur les marges. Elle diffère par la coloration
du dos : la plupart des ocelles
sont bien fermées chez Cribrarula esontropia alors qu'elles
sont toujours confluentes chez Cribrarula pellisserpentis. Cribrarula
esontropia est désormais considérée comme étant
strictement endémique à La Réunion et L'Ile Maurice,
ce qui la sépare aussi de l'espèce malgache.
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Cribrarula cribraria forma melwardi peut présenter un dessin dorsal comparable avec des ocelles convergentes. Cependant les marges de cette forme ne sont pas ponctuées et la forme générale est plus calleuse, avec des extrémités moins rostrées. La répartition géographique est aussi totalement différente : C. cribraria forma melwardi n'existe qu'à l'est de l'Australie.
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Il est étonnant que ces trois espèces provenant de la même région : le sud de Madagascar, n'aient pas été reconnues plus tôt. Cette zone, même si elle n'est pas fréquentée par les touristes et les conchyliologues, est cependant loin d'être un désert ou une région inconnue. Palmadusta androyensis semble même être assez fréquente dans son aire de distribution, les deux autres étant beaucoup plus rares. De plus, elles ne vivent pas à des profondeurs importantes. Malgré tout cela, elles sont passées complètement inaperçues pendant près de deux siècles et demi, à l'oeil attentif des collectionneurs et des scientifiques.
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Cela nous laisse présager que bien d'autres découvertes restent à venir dans d'autres régions encore peu explorées.
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Bibliographie
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_ M. BLöcher & F. Lorenz : A new specie of Cypraeidae from Southern Madagascar. Schriften zur Malakozoologie, Cismar (13,1999).
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_ M. BLöcher & F. Lorenz : (1999) : Stuttgarter Beitrage zur Naturkunde, Serie a (1999).
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_ F. Lorenz : Another new species from Southern Madagascar. Schriften zur Malakozoologie, Cismar (13,1999).
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_ F. Lorenz & A. Hubert : A Guide to Worlwide Cowries. Hemmen Verlag (1999).
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